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Lutte contre le Covid-19 : à quel prix pour nos droits ?

Dans ce contexte de crise sanitaire exceptionnel, Tinternet souhaite pointer du doigt la problématique du respect des libertés privées et fondamentales.

Dans ce contexte de crise sanitaire exceptionnelle, Tinternet souhaite pointer du doigt la problématique du respect des libertés privées et fondamentales... largement mises à mal depuis le début du confinement par une vaste série de mesures liberticides que nous aimerions lister ici.

Au nom des solutions mises en place par le gouvernement pour ralentir et contrôler l'épidémie, c'est en réalité la population elle-même qui se retrouve contrôlée. L'épidémie de Covid-19 étant une occasion rêvée pour déployer et légitimer sans complexe des outils de surveillance de masse, directement par l'état, aidé des entreprises technologiques.


+ SURVEILLANCE URBAINE :

- Emploi généralisé des drones pour surveiller les zones interdites d'accès durant le confinement et pour diffuser des messages, toujours en usage pendant le déconfinement.
- Utilisation d'hélicoptères à caméras infrarouges pour pister le respect du confinement.
- Utilisation des caméras de surveillance pour pister les individus en confinement et distribuer des amendes (Essone).
- Utilisation de la reconnaissance faciale pour contrôler le port du masque via les caméras de surveillances de la RATP (Paris) et via l'application UBER.


+ RÉPRESSION, RECUL DES DROITS ET DE LA JUSTICE

- Dérives au niveau des interdictions et arrêtés municipaux (interdiction de s'éloigner de plus de 10 mètres de son domicile, de se déplacer pour faire un achat à l'unité, autorisation de fouiller les sacs de courses, sorties en forêt et montagne interdites…) ;
- Couvre-feux instaurés dans une centaine de villes en France ;
- Contrôles de police en masse et sans indice préalable d'infraction (bilan tiré par Christophe Castaner : plus de 20,7 millions de contrôles dur le territoire national / 1,1 million de contraventions) ;
- Règne de l'arbitraire et abus de pouvoir généralisé (remise en question des motifs de sortie, attestations de déplacement "mal remplies", amendes pour motifs absurdes, etc.) ;
- Recrudescence des violences policières graves (bavures et dérapages) notamment dans les quartiers populaires. Bilan : 5 personnes tuées et plus de 10 blessé·es graves ;
- Prison ferme en cas de récidive du non-respect du confinement ;
- Manifestations interdites par certains préfets. ("Gilets jaunes", Toulouse et Montpellier) ;
- Accès à la justice et droits de la défense mis en péril pendant le confinement : prolongation de détention, mesures de protection sanitaires non appliquées en prison, etc.


+ UTILISATION DES DONNÉES MOBILES

- Autorisation par l'Europe à utiliser des données privées livrées par les opérateurs de télécoms pour pister les individus.

Tout est parti de l'Italie, qui a décidé de géolocaliser ses citoyen·nes dès le 9 mars, sans l'accord de l'Union Européenne, en sommant les opérateurs téléphoniques italiens de donner leurs informations de passages d'un téléphone d'une antenne-relais à l'autre* pour déterminer le pourcentage de la population respectant le confinement. Dix jours plus tard, l'Europe autorisait tous les états membres à en faire autant.

En Europe, la vie privée est pourtant un droit constitutionnel, renforcé par le RGPD depuis 2018. Mais le 19 mars 2020 le CEPD, Comité Européen de la Protection des Données, a levé l'interdiction de l'échange et du traitement des informations personnelles des citoyen·nes, permettant aux états d'utiliser les données de localisation mobiles pour géolocaliser les individus, dans le but de les surveiller, contenir ou atténuer la propagation du Covid-19. C'est de cette autorisation que découle, par exemple, les statistiques d'évaluation du nombre de Parisien·nes ayant quitté la capitale.

* Comment ça marche : les données de géolocalisation sont fournies par les opérateurs téléphoniques grâce à la triangulation : en sollicitant le réseau téléphonique, un portable est repéré à tout moment par les 3 bornes (antennes-relais) les plus proches qui l'entourent et qui définissent donc la position approximative de la carte SIM d'un appareil.


+ TRAÇAGE ET APPLICATION STOPCOVID

- Création de l'application de traçage StopCovid. Après le confinement, le traçage continue : toujours dans le but de contenir ou atténuer la propagation du Covid-19, la France est en train de développer "une stratégie numérique d'identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées" en utilisant les données de nos téléphones mobiles.

StopCovid est une application de "contact-tracking" ou "Backtracking", utilisant le bluetooth pour collecter les positions individuelles des mobiles et leurs relations sociales croisées. Ceci afin de pouvoir remonter dans l'historique des déplacements des personnes contagieuses et prévenir les propriétaires des appareils fréquentés.

D'autres applications gouvernementales de géolocalisation du même type fleurissent partout dans le monde, mais plus de la moitié portent atteinte à la vie privée et sont créées dans le flou juridique.

Ajoutons à cela les problèmes de sécurité que peut poser une application conçue trop rapidement : failles, portes d'entrée pour malwares, connexions non-sécurisées, sans parler de l'hébergement de ces données sensibles sur des serveurs.

Précisons aussi que l’efficacité de Stop-Covid est conditionnée par de nombreux paramètres qui semblent difficile à réunir, en effet, pour permettre à l’application de marcher il faut que s’additionnent cette liste considérable de pré-requis : avoir un smartphone (77% de la population française), avoir installé l’application, croiser des personnes en ayant l’application ouverte et active, être restés en contact à moins d’un mètre pendant plus de 15 minutes, que le bluetooth fonctionne, que la personne malade aie fait un test PCR et qu’il se révèle positif, que le test ne soit pas un faux-négatif, que la personne se déclare malade à son médecin et pour finir qu’elle aie l’autorisation de se déclarer malade dans l’application StopCovid. Une fois tous ces pré-requis validés, l’application pourra envoyer une alerte aux personnes concernées qui devront se confiner immédiatement et prendre rendez-vous pour un test.

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Aucune étude ne prouve l'efficacité du contact-tracking censé permettre l'anticipation des foyers de contamination et sa mise en place reste largement hasardeuse. Il existe également un risque de contre-efficacité sanitaire : la population ressent un faux sentiment de sécurité et se permet donc un relâchement des gestes barrières.

Enfin n'oublions pas que le développement et la mise en place de ces dispositifs requièrent un coût qu'il serait sûrement plus logique d'investir dans la production de masques, le dépistage et le financement de la santé publique...


+ FICHIER NATIONAL DE DONNÉES DE SANTÉ

Parallèlement à cette application va se développer un fichier national de données personnelles de santé, collectées par les professionnel·les de santé et posant également un problème de liberté privée puisque collectées sans le consentement des citoyen·nes.

Ce fichier a pour but d'identifier les personnes atteintes du Covid-19, ainsi que leur entourage appelé "cas-contact", toujours dans le but de repérer et casser les chaines de contamination. Un douteux système de prime de quelques euros est mis en place selon le nombre et la qualité des informations données.

Là encore des questions de sécurité se posent puisque le flou persiste sur les personnes étant autorisées à avoir accès à ces données, et sur la durée de stockage de celles-ci. De plus, ces données particulièrement sensibles seront hébergées sur les serveurs du géant américain Microsoft.

Un risque à long terme : la banalisation des outils de surveillance.

Aucun recul des libertés publiques ne fait l’objet d’un retour de ces libertés, ainsi il sera difficile de revenir en arrière une fois l'épidémie passée et les outils de surveillance utilisés durant la crise ont de fortes chances de se pérenniser. Les mesures d'exception mises en place au nom de la crise vont devenir la norme, autrement dit, nous assistons à la généralisation éclair d'un système global de surveillance sans savoir si c'est réellement utile pour la crise sanitaire.

Nous comprenons qu'en ce contexte les esprits soient concernés / préoccupés par la maladie, le chômage partiel, la perte de salaire, les conditions difficiles de retour à l'école ou au travail, mais nous ne devons pas nous endormir face au recul de nos libertés individuelles et nous ne pouvons que conseiller la vigilance face à la menace perfide des technologies policières et sécuritaires.

Ce qui nous semblait, il y a quelques mois, ne concerner qu'un pays totalitaire comme la Chine, se déploie partout dans le monde à grande vitesse et nous sommes tou·tes en train de vivre le sacrifice d'un grand nombre de droits.


REVUE DE PRESSE :

Violences policières :

- http://www.regards.fr/politique/societe/article/mises-a-pied-bavures-morts-collateraux-et-vies-epargnees-les-autres-chiffres-du
- https://larotative.info/au-nom-de-la-lutte-contre-le-covid-3782.html
- https://www.bastamag.net/attestation-controle-deplacement-PV-amendes-violences-policieres-confinement-covid
- https://larotative.info/au-nom-de-la-lutte-contre-le-covid-3782.html
- https://www.huffingtonpost.fr/entry/gilets-jaunes-manifestations-montpellier-toulouse_fr_5ebd7268c5b655620b14021c


Fichier des données personnelles de santé :
- https://www.liberation.fr/checknews/2020/05/08/covid-et-donnees-personnelles-de-sante-ce-que-denonce-ce-medecin-sur-facebook-est-il-vrai_1787691


Société de contrôle :
- http://www.homogulliver.com/si-lenfer-est-pour-les-damnes-le-controle-est-pour-les-vivants.html
- https://reporterre.net/Au-nom-du-coronavirus-l-Etat-met-en-place-la-societe-de-controle
- https://www.streetpress.com/sujet/1589461055-meme-temps-guerre-pas-autant-attaque-droits-defense-justice-coronavirus-confinement


Surveillance / Données personnelles / Libertés individuelles :
- https://www.revolutionpermanente.fr/En-Essonne-des-amendes-distribuees-par-camera-de-surveillance?fbclid=IwAR0WiihegkrtO_pQzWbM8PWlGefDRRwDqf6ueLp1SpGC7Em3IaPnMAkJ1vE
- https://www.cnil.fr/fr/coronavirus-covid-19-les-rappels-de-la-cnil-sur-la-collecte-de-donnees-personnelles-par-les
- https://www.cnetfrance.fr/news/covid-19-la-vie-privee-sera-t-elle-une-victime-collaterale-de-l-epidemie-de-coronavirus-39901985.htm
- https://www.laquadrature.net/2020/04/14/nos-arguments-pour-rejeter-stopcovid/
- https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/reseaux-et-telecoms/la-vie-privee-en-ligne-l-autre-victime-du-covid-19_142749
- https://korii.slate.fr/et-caetera/covid-19-lutte-technologie-outils-surveillance-danger-libertes-publiques
- https://theconversation.com/lutilisation-des-donnees-des-telephones-mobiles-dans-la-lutte-contre-lepidemie-136987
- https://usbeketrica.com/article/covid-19-pire-technologies-faire-respecter-distanciation-sociale
- https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/ia-machine-learning-iot/ratp-uber-reconnaissance-faciale-port-masque/
- https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/doubs/besancon/drones-surveillance-police-nationale-ciel-besancon-est-ce-legal-1830284.html?fbclid=IwAR26ejfF57oZdq7ruZ8vGNtKMVKjFC2e_Www_0NbgFSZGAQaiMrLwi6AGtQ

Lexique

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RGPD : Le règlement nᵒ 2016/679, dit règlement général sur la protection des données, est un règlement de l'Union européenne qui constitue le texte de référence en matière de protection des données à caractère personnel. Il renforce et unifie la protection des données pour les individus au sein de l'Union européenne.